lundi 6 avril 2009

Pourquoi la presse m'irrite, deuxième partie

Voici une copie du courriel que l'auteur du pamphlet paru n'a pu s'empêcher d'envoyer à Madame Allard pour son article sur la formation des adultes. Nous nous insurgeons contre la piètre rhétorique de La Presse et sa méthodologie vicieuse. Encore une fois, ce journal multiplie les simplifications et diffuse des idées qui nuisent aux acteurs du milieu de l'éducation et à l'esprit communautaire québécois en général.

Voici le courriel :

Je constate que votre c.v est plutôt étoffé : RDI, TVA, La Presse; formation à l'UQAM et ITAIM, c'est pourquoi je suis surpris de constater une légère dérive dans votre article ATTENDRE POUR APPRENDRE.

En effet, la mise en page de la version papier annonce cette information plutôt surprenante : « Incroyable, mais vrai, il est presque aussi difficile d'être admis dans un programme de stérilisation qu'en année préparatoire en médecine. »

J'imagine alors que les guillemets signifient que ce commentaire n'est pas de vous, qu'il s'agit des propos d'un tiers (et qu'on a simplement omis d'indiquer qui l'avait énoncé) . Je lis donc attentivement et je retrouve le passage exact, son contexte et tout ce que je trouve comme fondement à ce commentaire, c'est la statistique sur la sélection des candidats à l'examen d'entrée pour cette AEC en stérilisation biomédicale. Si je comprends bien, on n'accepte que 20% des postulants; il se trouve également que c'est sensiblement le même pourcentage que le nombre de candidats retenus sur l'ensemble de ceux qui soumettent une demande pour être admis dans l'année préparatoire en médecine à l'UDM, mais il n'y pas matière à faire un lien aussi précoce entre ces deux groupes !

Ce n'est pas parce qu'un pourcentage dans l'évaluation de la proportion d'un groupe, dans un ensemble donné, en égale un autre dans une opération mathématique similaire, cette fois entre un différent groupe dans un autre ensemble, que l'on peut en dégager des constantes qualitatives ou corrélatives entre lesdits ensembles.

Vous pouvez encore moins tirer des conclusions de cesdites observations. Ces dernières ne partageant aucun dénominateur commun, il est de surcroit malhonnête de se servir de ces conclusions hâtives et percutantes pour mousser l'impact de vos articles. Si votre écrit était un reportage publicitaire, une chronique de fiction ou simplement un billet d'un blogue sans prétention, ça n'aurait aucune importance, mais dans le cadre d'une contribution sur un sujet important, qui traite d'un enjeu social complexe, et ce, dans une publication sérieuse, par une journaliste émérite, c'est franchement inquiétant.

Je n'ai rien à voir avec la médecine, et mon commentaire n'a pas pour but de la valoriser, je sais simplement que les candidats qui tentent d'entrer dans l'année préparatoire doivent avoir un DEC en sciences de la nature ou l'équivalent, avoir réussi un certain nombre de cours préalables à la formation en sciences de la santé, avoir réussi l'épreuve uniforme de français, posséder un dossier excellent et avoir poursuivi un cursus normal pour ce dernier. Enfin, le dernier collégien convoqué À L'ENTREVUE avait une cote R de près de 34, c'est dire un énorme écart par rapport à la moyenne des étudiants du collégial. J'ajoute aussi qu'une grande partie des candidats détient déjà un diplôme universitaire.

Il s'agit du profil actuel des candidats pour l'admission à l'année préparatoire en médecine, et à moins de constituer un échantillon de ces derniers et de leur faire passer l'examen de l'AEC en question, puis de faire la même chose avec un échantillon des postulants de l'AEC en les soumettant aux critères de médecine, on ne peut faire de corrélation ou de comparaison entre la difficulté relative de l'admission au programme de l'AEC et de l'admission en médecine.

Vous vouliez probablement dire que d'après leurs compétences respectives et leurs attentes, les postulants dans l'AEC semblaient subir la même compétition et la même impression de contingentement que les postulants en médecine, car ils se retrouvaient avec une offre de formation similaire : trop basse par rapport à la demande, mais ça ne peut vouloir dire « qu'il est presque aussi difficile » d'être admis dans ce programme.

En apparence, votre dossier a tout de la méthodologie rigoureuse avec toutes ces statistiques que vous affichez fièrement, mais quand on regarde l'affirmation la plus symptomatique, on constate qu'elle est construite sur du vent. Ce constat m'incite à me méfier de plus en plus de votre journal. Qui vous incite à bâcler de la sorte? Est-ce un simple écart de votre part ou la direction vous force-t-elle à pimenter vos propos, quitte à flouer les lecteurs et à perdre ceux qui sont alertes? Vous ne pouvez non plus vous défendre en alléguant que le commentaire flou de « presque aussi difficile» peut être interprété de bien des façons : avec des études en journalisme et en communication, et votre expérience, vous savez très bien que le lecteur moyen n'y verra que du feu et s'accrochera aux mots « Incroyable » et « médecine ». En définitive, le lecteur croira encore que « le système est pourri », qu'on ne répond pas suffisamment aux impératifs de formation qui « amènent des vraies jobs ». Je caricature à mon tour, mais c'est dire qu'on a sabré dans une formation générale humaniste, critique et de qualité, puisque de moins en moins de gens sont à prêts à s'insurger contre les dérives de plus en plus fréquentes du groupe Gesca.

Je vous souhaite néanmoins une bonne semaine et je vous remercie de l'intérêt que vous portez au monde de l'éducation. Sachez toutefois que certains de vos lecteurs ne sont pas dupes des simplifications et que ces dernières portent ombrage à la probité intellectuelle de certains travailleurs du journal pour lequel vous écrivez.

Le Pamphlet

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